Élasticité
Si vous étirez un élastique (ou un ressort) et que vous lâchez soudainement l'une de ses extrémités, il reprend ses dimensions d'origine ; c'est l'élasticité. Et il ne faut pas le confondre avec extensibilité ! Cette notion a déjà été abordée dans un autre billet. Rappelons simplement ici que l'extensibilité est la capacité d'un matériau à se déformer sans se rompre. Ces deux notions sont parfois confondues car elles sont assez complémentaires. Deux cas extrêmes peuvent être cités :
- Si le matériau n'est pas extensible (par exemple, une pierre) et ne peut pas être étiré, il ne peut pas être élastique.
- Un matériau peut s'étirer mais ne pas être élastique. Ce serait le cas pour un métal qui peut être étiré (par example par laminage), mais qui reste ensuite dans cet état après déformation.
La pâte se situe entre ces deux états. Nous avons vu qu'il doit être extensible et qu'il doit également être élastique. Mais pas trop.
Prenons le cas d'un fabricant de pain plat. Ils pétrissent la pâte et forment des boules qu'ils étalent ensuite pour obtenir un pain de la bonne taille (extensibilité). Quelques instants plus tard, avant la cuisson, le fabricant se rend compte que les dimensions des pains ont considérablement diminué. L'élasticité en est la cause.
Dans les années 1990, il existait une variété de blé très populaire en France qui présentait parfois une trop grande élasticité. Les boulangers qui essayaient de produire des baguettes standard (environ 65 cm de long) pouvaient ajuster leurs moules à pâte de plus en plus étroitement, mais les pâtes rétrécissaient visiblement dès qu'ils n'étaient plus stressés. Encore un problème d'élasticité !
Il est vite devenu évident que l'élasticité dépend principalement de la qualité du gluten. Sans trop entrer dans les détails, rappelons simplement que la pâte est un milieu viscoélastique, et que des scientifiques ont établi que la viscosité du gluten est liée aux gliadines, tandis que l'élasticité dépend des gluténines. Les gliadines et les gluténines sont deux des principales protéines qui composent le gluten.
À l'époque, il n'existait aucun moyen simple de mesurer ce phénomène, et donc de le contrôler, au niveau du laboratoire. « CHOPIN Technologies » les ingénieurs ont ensuite développé une solution simple sur la base d'observations précédentes à l'aide du Alvéographe.
Ils ont constaté que les courbes correspondant aux farines problématiques avaient tendance à moins s'effondrer, comme le montre la ténacité de la pâte. Le « creux » étant mesuré sur la courbe entre le point de distance de valeur P et le point de distance de valeur L.
Une première tentative a consisté à mesurer la pression interne dans la bulle après avoir injecté 200 ml, mesure connue sous le nom de P200.
Pourquoi le P200 mesuré à 40 mm ?
Quelques chiffres :
- Lorsqu'elle est correctement étalonnée, la pompe Alveograph fournit 96 litres d'air par heure.
- Ou 96 000 ml/3 600 secondes = 26,67 ml/s
- Il faudra donc 200/26,67 = 7,49 secondes pour obtenir 200 ml.
- Sur les modèles équipés d'un manomètre, l'indicateur a avancé de 5,5 mm/s
- 49 x 5,5 = 41,2 mm, arrondi à 40.
Pourquoi choisir 200 ml ?
Pour des raisons pratiques.
- La pâte doit être suffisamment gonflée pour que la bulle commence à se déformer.
N'attendez pas que :
- évaluation possible sur un maximum de courbes (même pour des valeurs L courtes)
- Évitez de vous trouver dans une zone « en fin de courbe » où la résistance élastique est moindre.
Les chercheurs se sont vite rendu compte que le concept était prometteur mais insuffisant s'il était utilisé seul. Il est en effet possible d'avoir le même P200 pour des farines très différentes sans que ce résultat soit nécessairement lié à la seule élasticité. Ils ont ensuite amélioré l'idée en comparant cette P200 à la pression maximale enregistrée juste avant la distance « P » du point de ténacité. Ainsi, l'indice d'élasticité a été développé :
Pour bien comprendre cela, imaginez 2 farines ayant la même valeur pour P (100, par souci de simplicité). Ces farines diffèrent quant à leur P200 ; l'une est de 50 (donc un « Ie » de 50 %) et l'autre de 60 (un « Ie » de 60 %). Que s'est-il passé alors ? Les deux farines ont la même ténacité. Après injection de 200 ml d'air, la pression interne dans l'un est plus élevée que dans l'autre. La seule possibilité mécanique est qu'à ce moment précis, la bulle de farine à Ie 60 soit plus petite que celle de la bulle à Ie 50 (à température constante et pour un volume d'air donné, la pression est plus élevée si le volume du récipient est plus petit).
Mais pourquoi la bulle serait-elle plus petite ?
Parce qu'il est plus résistant à la déformation. Des travaux ultérieurs ont abordé la question de l' « écrouissage » (ou « écrouissage » en français).
Ce terme décrit capacité d'un matériau à augmenter sa résistance à la déformation. Dans notre cas, cette résistance est élastique. D'où le terme indice d'élasticité.
Bien qu'il existe depuis près de 30 ans, l'indice d'élasticité n'est toujours pas pris en compte par les utilisateurs de l'alvéographe. C'est certainement une erreur car de nombreux cas réels (souvent liés à des problèmes de taille du produit) ont trouvé une solution en comprenant mieux cet indice.
De plus, l'indice d'élasticité n'est guère affecté par le protocole et les conditions d'hydratation, comme le montre la Figure 1. Il s'agit d'un indicateur plus direct de la qualité des protéines, et l'expérience montre que pour chaque procédé de fabrication, il existe un optimum (sweet spot). Nous ne pouvons qu'encourager les utilisateurs actuels et futurs à envisager sérieusement d'utiliser l'indice d'élasticité.